L'élément
majeur de la croisade naît avant tout d'un conflit entre deux
religions. Nous avons d'un coté la séculaire religion chrétienne,
très puissante en Occident, qui est la colonne vertébrale de toute
l'histoire médiévale occidentale. Cependant, la religion chrétienne
dut subir de grands tords au cours de la seconde moitié du
Moyen-âge, dit le "Bas Moyen-âge", avec pour commencer le
grand schisme de 1054 qui divisa en deux l'Église chrétienne. En
Occident, le catholicisme avec comme chef religieux le Pape, et en
Orient l'orthodoxie, avec Byzance, et le Basileus. Cette division
brutale a longtemps laissé une ambiance froide, et des
correspondances peu enviables entre Rome et Constantinople.
Cependant, nous pouvons remarquer que les relations s'améliorèrent
vers la fin du XIème siècle, sans pour autant renouer des liens
forts entre les deux religions.
De
l'autre côté, nous avons une nouvelle religion, apparue dans le
courant du VIIème siècle, avec à sa tête un prophète : Mahomet.
Depuis lors, l'Islam s'est longtemps développé, prenant toute
l'Arabie, l'Empire Perse, et s'étalant même en Occident, en Afrique
du Nord, en Espagne et atteignant Poitiers en 732, tout cela en moins
de deux siècles. Une religion très puissante considérant que « le
paradis est à l'ombre des épées »
qui a une force militaire très impressionnante. D'ailleurs,
L'Espagne sera toujours un enjeu majeur avec la fameuse Reconquista
qui va durer jusqu'au début de l'époque moderne.
Vers
1078, les Turcs Seljoukides, puissante dynastie musulmane qui
contrôle un territoire déjà puissant, s'installent au Moyen-Orient
et à Jérusalem. Cette dernière est une ville clé pour la religion
chrétienne, car un lieu sacré du pèlerinage. Durant toute la
période médiévale, on raconte les récits de ces pèlerins qui
arrivent en Terre Sainte, et prient devant le Saint-Sépulcre de
Jérusalem. Notons que ce mouvement s'intensifie vers le Xème
siècle. Cependant, les Seljoukides sont moins tolérants que
d'anciennes dynasties, et ont une fâcheuse tendance à mépriser les
pèlerins d'Occident, allant parfois jusqu'à la brutalité. En règle
générale, les pèlerins sont arrêtés et "rackettés" à
l'entrée de la ville et devant la relique. Un comportement peu
appréciable, qui avait déjà été aperçu auparavant avec le
calife Fatimide Al-Hakim qui
avait endommagé le Saint-Sépulcre en 1009. Ce comportement inquiète
les chrétiens d'Occident, et les plaintes s'accélèrent en même
temps que l'augmentation des pèlerinages. Le Basileus Alexis
Ier Comnène voit
en ces Seljoukides une sérieuse menace, et perd peu à peu chaque
année des territoires aux profits des musulmans. N'y voyant aucune
solution, le Basileus envoie un message au pape Urbain
II (1088-1099),
afin de lui demander une force armée pour reconquérir les
territoires perdus.
À
la même époque, il existe plusieurs prêcheurs qui parlent à la
population proche, en mettant notamment en avant les reliques et
leurs importances. Ainsi, à la suite même de cet appel, Urbain
II reçu
un grand nombre de réponses positives de personnes souhaitant partir
en terre d'Orient. Mais plus encore, il n'y a pas seulement que les
chevaliers qui prirent les armes, il y a également des barons, des
prêtres, et même des paysans. Urbain
II voulait
du monde à son appel, mais jamais il aurait deviné qu'il aurait eut
autant d'impact ! En effet, l'aide apporté pour la reconquête
de l'Espagne était certes présente, mais très faible en
comparaison de l'appel d'Urbain
II.
Prenons
l'exemple de moines de Vallombreuse. Certain voulait partir prendre
les armes. À ce moment là, le pape Urbain
II leur
répond que là n'est pas leur rôle, qu'ils ont choisi de servir
Dieu dans une militiaspirituel,
alors que le pape a fait appel aux milites,
aux guerriers.
Si
ce n'est pas une croisade, comment est considéré alors ce
mouvement ? La plupart des contemporains de cette époque
considèrent cela comme un grand pèlerinage armé. C'est également
un pèlerinage avec une récompense à la clé, car en effet, Urbain
II déclare
que tous ceux qui partiront les armes en main pour libérer Jérusalem
se verront expier de tous leurs péchés. Évidemment, dans un monde
occidental, où la priorité première est d'aller au Paradis, cette
absolution offerte est une opportunité à saisir. Ceci explique sans
doute, en plus de tous les autres éléments contextuels, cet énorme
soulèvement des armes pour se rendre en Palestine.
Dès
le printemps 1096, les premiers groupes de croisés se mettent en
route avant même que les chefs désignés ou auto-désignés n'aient
réuni leurs armées. On désigne souvent le terme de croisade
populaire pour la 1ère croisade. En effet, il y avait beaucoup de
gens faisant partie de la simple paysannerie, ou encore du clergé
qui ont participés, armés ou non, à la croisade. Cependant, il
faut nuancer, et montrer avant tout que la majorité des expéditions
est remplie de chevaliers, et particulièrement de barons. Ainsi,
on peut retrouver le terme de "croisade des barons" dans
certains ouvrages.
Citons
un personnage clé de cette première croisade : Pierre
L'Ermite.
Ce religieux, qui avait déjà effectué un pèlerinage à Jérusalem,
va mener une longue campagne de recrutement en France avant de se
diriger vers l'Allemagne et de partir en Terre Sainte, avec une
petite armée. Après un long voyage semé d'embûches et de pièges,
les troupes arrivèrent en territoire Turcs où ils se firent
décimer. Les survivants parvinrent à fuir vers Constantinople.
Cette expédition de Pierre
l'Ermite montre
ce qu'était la 1ère croisade à ces débuts : des expéditions
peu préparées, dans un territoire totalement méconnu, face à de
puissants musulmans, plus nombreux, connaissant bien le terrain et
avec des stratégies adaptées.
Par
la suite, quatre puissantes armées se préparèrent :
- La première composée de Lorrains et d'Allemands, avec à sa tête Godefroy IV de Boulogne (ouGodefroy de Bouillon), avec son frère Baudouin et son cousin.
- La seconde composée essentiellement de Français du Nord, avec Hugues de Vermandois, le frère du roi Philippe Ier. On retrouve également le duc de Normandie Robert Courteheuse, le duc de BretagneAlain IV Fergent et le comte Etienne de Blois.
- Une troisième qui part du Midi avec à sa tête le comte de Toulouse Raymond IV.
- Et la dernière, composée de Normand de Sicile avec Bohémond de Tarente.
Ces
armées se retrouvèrent entre décembre 1096 et mai 1097 à
Constantinople. Ils traversèrent le détroit du Bosphore, et font le
siège de la ville de Nicée. En mars 1098, Baudouin
de Boulogne,
en réponse à l'appel des Arméniens, prend Edesse, et fond le
premier État latin d'Orient.
À
ce moment là, nous pouvons voir que l'objectif de la guerre a
changé. En effet, Alexis
Ier Comnène,
l'empereur Byzantin, n'avait demandé que de l'aide pour reconquérir
des territoires, et se défendre face aux Turcs. Pourtant, de
nouveaux états sont crées, non sous le contrôle des Byzantins,
mais des états latins sous l'autorité du pape ! Outre ce
nouvel objectif, Jérusalem restait une priorité. Les troupes
continuèrent alors la marche vers le sud, en passant par Antioche,
où ils firent le siège. Les récits racontent alors des événements
parfois atroces, comme des actes de cannibalisme. Il faut cependant
ne pas exagérer sur ces actes, qui restent mineurs, et il ne faut
pas non plus transformer les croisés en des cannibales.
Après
7 mois de siège, Antioche est pris le 29 juin 1098. La ville aurait
dû être rendue à Byzance, il n'en fut rien. Le chef
normand, Bohémond,
avide d'ambition, fut reconnu Prince d'Antioche. Par la suite,
l'expédition se poursuivit à Ma'arat, qui sera complètement brûlé,
avant d'atteindre la ville sainte de Jérusalem, le 7 juin 1099.
Peu
de temps après, le 29 juillet 1099, Urbain
II meurt
en paix en ayant à l'esprit la victoire de cette première croisade.
En Orient, Godefroy
de Bouillon est
proclamé roi de Jérusalem, mais celui-ci refuse, et prend le titre
"D'avoué du Saint-Sépulcre" (image ci-contre). Son frère
en revanche, celui qui avait déjà crée le titre d'Edesse, va
prendre la couronne, et deviendra Baudouin
Ier,
roi de Jérusalem.
Si
la 1ère croisade est terminée, il ne faut pas se reposer sur ses
lauriers ! En effet, il reste beaucoup de chose à faire, à
commencer par conquérir les territoires autour de Jérusalem, et
surtout il va falloir les défendre face à des musulmans revanchards
et extrêmement furieux. Ainsi, l'objectif suivant des croisades est
la défense de la Terre Sainte (in
subsidium Terrae sanctae).
C'est
aussi à cette époque que naît les ordres sacrés, dont les
Templiers, .
À
la fin de la Première Croisade, les chevaliers ayant réussi à
reprendre Jérusalem des mains des Turcs prirent le chemin du retour.
En effet, l'objectif étant de sauver Jérusalem, les chevaliers
pouvaient alors retourner dans leurs familles ou s'occuper de leurs
titres en ce qui concerne les comtes et ducs. De plus, les états
latins d'Orient, composés du comté d'Edesse, de la principauté
d'Antioche, du comté de Tripoli et de Jérusalem furent crées et se
retrouvèrent unis autour de la couronne du nouveau Roi de Jérusalem.
Ce
fut une nouvelle donnée dans la région. En effet, les territoires
appartennaient de jure à l'Empire Byzantin dont, rappelons-le, le
Basileus Alexis
Ier Comnène avait
fait appel à l'Occident afin de récupérer ces territoires. Le
Basileus se retrouva bien malgré lui sans rien, s'étant fait en
quelques sortes "arnaquer". Néanmoins, nous pouvons penser
que dans son malheur, le Basileus devait apprécier ces nouveaux
voisins, dans le sens où ils se présentaient comme des alliés et
non pas une menace comme les Musulmans.
D'autre
part, les musulmans chercheront davantage à se venger des croisés
de cette prise de Jérusalem, qui, pour eux, est également une ville
sainte de l'Islam. C'est pour cette raison que le royaume de
Jérusalem fut créé, afin de défendre les nouvelles terres
conquises. Godefroy
de Bouillonrefusa
le titre de roi. Son frère, en revanche, fut beaucoup plus
intéressé. Ainsi, Baudouin,
à l'origine de la création du comté d'Edesse, fut couronné le 25
décembre à Bethléem, ville et date symbolique. Ce roi sera très
énergique et durant ses 18 années de règne, de nombreuses
batailles et nouvelles conquêtes se feront (1101 : Arsouf et
Césarée, 1103 : Acre, 1109 : Beyrouth).
Seulement,
si politiquement, les succès s'enchainaient, il faut avouer que la
réalité etait un peu plus mitigée. En effet, si la Première
Croisade devait venir en aide aux pèlerins de Jérusalem et que la
ville fut effectivement prise, les pèlerins en revanche étaient
toujours persécutés, maltraités par la population musulmane et/ou
des brigands sur la principale voie d'accès à la "cité
céleste" (de Jaffa sur la côte en passant par la plaine de
Ramleh). Par exemple, en 1119, un groupe de pèlerins subirent une
attaque armée meurtrière qui fit couler beaucoup d'encre parmi les
chroniqueurs.
D'autre
part, le nombre de pèlerins en continuelle augmentation n'arrangea
pas les problèmes de criminalités. Malgré la construction de deux
monastères bénédictins pour le repos de ces derniers
(Sainte-Marie-la-Latine et Sainte-Marie-Madeleine), la situation
était vraiment précaire. Ceci poussa certains hommes à se révolter
afin de changer cette situation intenables pour les pèlerins.
Ainsi,
selon Guillaume
de Tyr,
chroniqueur du XIIème siècle, vers 1118-1119, un homme décida de
créer une sorte "d'escorte armée" afin de protéger les
hommes en pèlerinage vers la cité céleste de Jérusalem. Cet homme
s'appellait Hugues
de Payns.
Ce grand seigneur d'origine champenoise avait accompagné à
plusieurs reprises son suzerain, le comte
Hugues de Champagne,
en Terre sainte, avant de s'y fixer définitivement. Il fut
accompagné de huit braves compagnons, dont Geoffroy
de Saint-Omer, André
de Montbard et Archambaud
de Saint-Amand.
Ils eurent l'appui de Baudouin
II,
roi de Jérusalem depuis mars 1118 et de Gormond,
le Patriarche de Jérusalem. Ces neuf hommes fondèrent alors un
embryon de ce qui devint l'ordre des Templiers par la suite, n'étant
pour l'instant qu'une simple milice armée, "militia
Christi".
Cependant,
le problème de sécurité en Terre sainte ne fut pas résolu, à
cause du manque d'effectifs face aux armées musulmanes.
Après
avoir reçu la permission du roi de Jérusalem, Hugues
de Paynsdécida
de rentrer en Europe, afin de recruter de nouveaux membres. Il partit
avec 5 compagnons : Geoffroy
de Saint-Omer, Archambaud
de Saint-Amand, Payen
de Montdidier, Geoffroy
Bisol et
un certainRoland.
Outre cet aspect de recrutement massif à la défense des nouveaux
États Latins, Hugues de Payns souhaitait également venir confirmer
l'ordre devant l'Eglise.
Mais,
cet ordre laisse à débattre. Comment un ordre religieux, monastique
qui plus est, put également prendre les armes ? De plus, nous
l'avons vu,Urbain
II avait
déjà refusé à des moines de prendre les armes pour la croisade.
Pourquoi cet ordre serait-il exempt ? De plus, la société médiévale
est une organisation tripartite défini par Adalbéron,
l'évêque de Laon dans les années 1030 :
« Chacun dans le monde occupe une place voulue par Dieu ; chacun est ordonné en vue d'une des trois fonctions que l'homme peut remplir dans la société : prier, combattre, travailler ».
Toujours
est-il que le groupe de six hommes arrivèra à Troyes, où eut lieu
un concile le 13 janvier 1129. De nombreuses personnalités furent
présentes : le cardinal Mathieu
d'Albano (légat
du pape), deux archevêques (Reims et Sens), huit abbés dont ceux de
Cîteaux, Harding, Vézelay, Molesmes, Pontigny et Clairvaux, qui
était en réalité le fameuxSaint
Bernard.
Du coté des laïcs, le comte Thibaud
II de Champagne etGuillaume
II,
comte de Nevers furent présents également.
Durant
ce concile, outre les canons religieux posés de l'époque, il fut
question de fournir à l'ordre du Temple une règle qui respecterait
le droit monastique et celui des combattants. La Règle comportait à
l'origine soixante-douze articles, dont les huit premiers consacrés
aux devoirs religieux. Ainsi, les Templiers devront, comme pour les
moines, prononcer des vœux de pauvreté, chasteté et obéissance.
Ces "chevaliers du Christ" reçurent également la
permission de porter le manteau blanc, symbole de la chasteté,
couleur de l'innocence et de la pureté mais aussi et surtout la
réconciliation avec Dieu.
« À tous les frères chevaliers, nous permettons de porter le blanc manteau en hiver comme en été. Personne d'autre, s'il n'est chevalier du Christ, ne peut porter le blanc manteau. Mais ce manteau doit être sans ornement superflu et arboré sans orgueil. Qu'aucun frère n'y ajoute de fourrure ni de pelisse. Que les yeux des envieux ne soient attirés par quelque fantaisie sur ces habits qui ne doivent être ni trop longs ni trop courts. » (Règle primitive, article 27-29)
Cette
Régle fut soumise, pour approbation, au patriarche de
Jérusalem Étienne
de Chartres.
Elle fut publiée en latin vers 1130, puis traduite en français 10
ans plus tard et complétée ensuite par d'importantes bulles
papales, comme celles prononcées par Innocent II le 29 mars 1139
(Omne
datum optimum)
et le 7 avril 1145 (Militia
Dei).
Plus tard, les Retraits consignés par écrit en 1165, préciseront
tous les usages en vigueur au Temple.
Est-ce
que ce groupe de six hommes a-t'il rencontré le Pape Honorius
II lors
de ce retour en Europe ? Sans doute, mais rien n'est bien sûr.
Toujours est-il que le concile de Troyes marqua une étape décisive
dans l'ordre du Temple, affirmant alors la fameuse Règle des
Templiers. Désormais, l'ordre des Templiers était reconnu. Hugues
de Payns continua
ensuite sa tournée en Europe, afin de recruter un maximum de recrues
pour venir défendre les pèlerins, et défendre les Etats latins
d'Orient. Ce projet etait appuyé parSaint
Bernard,
qui défendait et propageait les idées de cet ordre, donnant une
image quasi-légendaire à ce groupe d'hommes moine-soldats.
Hugues
de Payns,
et ses compagnons, partirent le lendemain du concile de Troyes pour
un long voyage autour de l'Europe, dans le but de renforcer au mieux
le nouvel ordre. En effet, la situation en Orient face à de
puissants musulmans, se préparant à une future vengeance, demandait
aux Templiers d'être aussi puissants que leurs ennemis. Ils ont
besoin alors d'hommes, chevaliers de préférence, mais ils
n'interdirent personne à les rejoindre, même s'il n'avait pas
d'expérience. De plus, les Templiers avaient besoin de richesse,
pour répondre à différents besoins, qu'il soit d'ordre militaire
(armes, chevaux...) ou d'ordre pratique (vivres). Comment partir
autour de l'Europe afin de réclamer autour de soi des aides
matériels ou humaines ? Il faut dire que les Templiers reçurent une
aide bien précieuse, celle de Saint
Bernard.
« J'hésite à les appeler moines ou chevaliers. Comment mieux les désigner qu'en donnant ces deux noms à la fois à ceux qui ne manque ni de la douceur du moine ni le courage du chevalier. »
Hugues
de Payns suivit
le parcours suivant : de la Champagne où présidait le concile de
Troyes, il gagna l'Anjou et le Maine. Puis, il prit la direction du
Poitou et de la Normandie. De là, il put prendre la mer, afin
d'arriver en Angleterre et en Écosse. À la fin de son parcours, il
fit demi-tour, en se dirigeant en Flandres où il rejoignit son
compagnon Geoffroy
de Saint-Omer. Hugues
Rigaud,
une nouvelle recrue, recruta dans les régions du Sud de la France
(Languedoc, Roussillon). Ces dernières étaient très enthousiastes
à la vocation des moines-soldats.
D'autres
rejoignirent la péninsule ibérique (l'actuel Espagne) qui, à ce
moment là, était en pleineReconquista.
En 1131, Alphonse
Ier dit
le Batailleur, roi d'Aragon et de Navarre, n'ayant pas d'héritier
direct, donna de par son testament ses terres aux trois ordres
religieux de la Terre sainte (Temple, Hôpital et Saint-Sépulcre de
Jérusalem). Cependant, cette donation est refusée par les trois
ordres, ne pouvant accepter un tel cadeau.
À
ce niveau-là, les Templiers furent gâtés. Tous le monde voulait
aider le nouvel ordre. Certains donnèrent leur cheval, d'autre leurs
vignes, celui-ci son armure... Les plus riches donnèrent leurs
domaines, les plus pauvres apportèrent une mesure de froment, une
barrique de vin etc... Certains même, ne pouvant donner de biens, se
donnèrent, corps et âme, à l'ordre. C'était devenu alors un
honneur de faire parti de ces hommes défendant les reliques du
Christ en Terre sainte. Plus encore, rejoindre l'ordre du Temple
pouvait assurer une certaine sécurité et du prestige. Ainsi, de
nombreuses personnes voulurent rejoindre l'ordre aux portes de la
mort afin d'être enterré dans le cimetière d'une commanderie
templière ! Une sorte de sésame pour les portes du Paradis, devant
le tribunal du jugement dernier...
Contrairement
à ce que l'on pourrait croire, il n'y avait aucun secret autour du
rituel d'entrée dans l'ordre du Templier. En effet, la légende a
toujours voulu exagérer, et accuser les Templiers sur de nombreux
points, que l'image aujourd'hui en est faussée. Tout est écrit
parfaitement dans la règle. Cette cérémonie n'avait rien
d'étrange, et était très proche du rite de vassalité entre le
vassal et le suzerain. Enfin, beaucoup de précautions étaient
prises pour s'assurer de la volonté même des nouvelles recrues.
Personne n'est forcé d'entrer dans l'ordre.
Le
futur moine-soldat devait se rendre devant le chapitre (l'assemblée
de tous les frères) d'une commanderie templière. Avec lui se tenait
le commandeur de maison, qui présidait toute la séance.
Tout d'abord, la nouvelle recrue était tenue à l'écart par deux
« prud'hommes », généralement les plus anciens de la
communauté. Ces derniers étaient chargés d'exposer à la fois les
contraintes d'un tel engagement, mais aussi de le questionner sur sa
vie et les raisons de son engagement. À la fin de cette entrevue,
les deux hommes rendaient compte au chapitre. À ce moment là, si
l'assemblée n'y voyait rien à redire, le candidat pouvait entrer.
Agenouillé
devant le commandeur, les mains jointes, il devait formuler oralement
:
« Sire, je suis venu devant Dieu et devant vous et devant les frères et je vous prie, par Dieu et Notre-Dame, de m'accueillir dans votre maison afin que je devienne à tout jamais serf et esclave de votre maison. »
Le
commandeur alors lui répondait, avec une mise en garde, avant de
reposer la question confirmant l'engagement. Après ce sermon, le
candidat devait à nouveau réfléchir, tandis que le chapitre
statuait sur son cas. Si l'avis était positif, le futur frère
revenait, et reproduisait les mêmes gestes et paroles lors de sa
première entrée. On lui mettait dans les mains les livres des
Évangiles, et le commandeur lui posait les ultimes questions :
« Promettez-vous de toujours obéir au maître du Temple et à tout commandeur ? Promettez-vous de vivre chastement ? De ne jamais embrasser une femme, fut-elle votre mère ou votre sœur ou une parente ? Promettez-vous de ne rien posséder ? Promettez-vous de toujours aider à défendre la terre sainte de Jérusalem ? De ne jamais frapper un chrétien ? Avez-vous prononcé des vœux dans un autre ordre ? Avez-vous des dettes ? Avez-vous fait des dons à des frères du Temple pour qu'ils vous acceptent parmi eux ? Avez-vous été frappé d'excommunication ? Beau frère, de toutes ces demandes que nous avons faites, faites bien attention de nous avoir dit la vérité, car si vous nous aviez menti vous pourriez perdre la maison, ce dont Dieu vous garde. »
Après
les réponses du postulant, le commandeur fit une dernière
déclaration qui acceptait solennellement le nouveau frère :
« De par Dieu et de par Notre-Dame, de par Saint Pierre, de par notre père le pape, et de par tous les frères du Temple, nous vous accueillons dans notre Maison. Vous n'aurez en échange que du pain et de l'eau, la pauvre robe des frères et beaucoup de peine et de labeur. »
Le
commandeur prenait le blanc manteau à la croix vermeille, le posait
sur les épaules du chevalier, pendant que le chapelain le
psaume Ecce
quam bonum.
Ultime phase de la cérémonie, le baiser fraternel donné par le
commandeur sur la bouche. Ce geste n'avait rien de choquant, car
c'est une pratique très fréquente durant la période du Haut
Moyen-âge.
Contrairement
à ce que l'on pourrait croire, le maître de l'ordre Templier avait
en réalité très peu de pouvoirs. Même s'il se situait au sommet
de la pyramide hiérarchique, il ne possédait en réalité qu'un
pouvoir très limité. C'est en effet très logique, l'ordre ne
souhaitait pas à avoir à sa tête un homme au pouvoir personnel,
aussi puissant qu'un roi. L'ordre était un ordre avant tout
monastique, mais par sa nature militaire, cela pouvait être
dangereux. Ainsi, dans la Règle du Temple, on voit le rôle du
maître défini très simplement, avec un titre, important certes,
mais plutôt honorifique.
Pour
limiter ce pouvoir, c'était très simple. Toutes les décisions les
plus importantes (nommer les dignitaires de l'ordre, acheter ou
vendre des terres, déclarer la guerre ou la paix) devait se faire
uniquement en présence de ses frères, et seulement après avoir
obtenu leur accord. Ainsi, son rôle se limitait à un rôle
représentatif, lors des visites officielles, ou encore lors de
déclarations importantes, comme le départ en guerre.
L'élection
d'un maître du Temple est une chose assez compliquée. En effet, la
Règle du Temple reste assez floue, dans une vingtaine d'articles. Le
principal problème est que l'élection pouvait varier très
facilement d'un temps à l'autre, et la présence du chapitre
exceptionnel changeait selon les disponibilités de chacun. Cela
explique ainsi pourquoi les Occidentaux sont peu représentés, étant
trop loin de Jérusalem.
Pourtant,
ce chapitre n'avait pas un rôle décisif dans l'élection. Elle
devait essentiellement nommer parmi les frères présents un «
commandeur de l'élection ». Ce commandeur est défini selon la
Règle comme étant «Un
homme sage qui soit connu de toutes les provinces et de tous les
frères, qui aime la paix et la concorde de la maison et qui ne
suscite pas de division. »
Ensuite,
ce même homme devait choisir un second compagnon, qui eux-mêmes en
choisissaient deux autres, qui après en choisissaient quatre, etc..
jusqu'à obtenir le nombre de douze, en référence aux douze
apôtres. Parmi ses douze hommes, nous y retrouvons huit chevaliers
nobles et quatre sergents non nobles qui venaient tous de provinces.
Les douze nommaient enfin un treizième, le chapelain qui est à
l'image du Christ pour maintenir la cohésion du groupe. Ce
collège de treize hommes décidait dans le plus grand secret le
nouveau maître du Temple. Le commandeur de l'élection proclame
lui-même le résultat : «
Beaux Seigneurs frères, rendez grâce à Dieu, voici quel est notre
maître »
Le
nouveau maitre portait alors deux éléments : le bâton et la verge.
Le bâton était là pour soutenir les faibles, la verge pour punir
ceux qui fuirait le chemin à suivre.
Les maîtres de l'ordre
|
Date de commandement
|
Hugues de Payns
|
1118-1136
|
Robert de Craon
|
1136-1149
|
Evrard des Barres
|
1149-1152
|
Bernard de Trémelay
|
1152-1153
|
André de Montbard
|
1153-1156
|
Bertrand de Blanquefort
|
1156-1169
|
Philippe de Naplouse
|
1169-1171
|
Eudes de Saint-Amand
|
1171-1179
|
Arnaud de la Tour Rouge
|
1180-1184
|
Gérard de Ridefort
|
1185-1189
|
Robert de Sablé
|
1191-1193
|
Gilbert Erail
|
1194-1200
|
Philippe du Plessis
|
1201-1209
|
Guillaume de Chartres
|
1210-1219
|
Pierre de Montaigu
|
1219-1232
|
Armand de Périgord
|
1232-1244
|
Richard de Bures
|
1244-1247
|
Guillaume de Sonnac
|
1247-1250
|
Renaud de Vichiers
|
1250-1256
|
Thomas Bérard
|
1256-1273
|
Guillaume de Beaujeu
|
1273-1291
|
Thibaut Gaudin
|
1291-1293
|
Jacques de Molay
|
1293-1314
|
Après
le maître du Temple, le second personnage le plus important est le
sénéchal. Le sénéchal est celui qui remplace le maitre lors de
ses absences. Il possède deux articles dans la Règle (99-100).De
plus, il avait l'autorisation d'utiliser un sceau identique à celui
du maître pour remplir les papiers officiels et autres missives lors
de l'absence de ce dernier.
Le
maréchal est responsable de l'équipement militaire, des armes, des
chevaux et de la discipline. Il jouait également un rôle très
important lors des combats que nous étudierons dans une future
chronique. Il représentait l'autorité militaire suprême au sein de
l'ordre. Neuf articles lui sont consacrés (101-109). Lorsque le
maître du Temple mourrait, c'était à lui de se charger de prévenir
toutes les commanderies et d'organiser la venue d'un chapitre
exceptionnel.
Le
commandeur du Royaume de Jérusalem était le trésorier de l'ordre.
Il devait donc gérer les transactions financières entre l'Orient et
l'Occident. «
Tous les avoirs de la maison, de quelque endroit qu'ils proviennent,
d'en deçà des mers ou d'au-delà des mers doivent être rendues et
baillés entre ses mains et il doit les mettre au trésor ». Il
récupérait également tous les butins de guerre, et devait gérer
la répartition des hommes entre les différentes maisons et
forteresses de la Terre Sainte. Une dizaine d'articles lui sont
consacrés (110-119). A ses cotés se trouvait le drapier de
l'Ordre, qui s'occupait de toutes les ressources en literies.
Il s'occupait également des tentes militaires lors des campagnes.
Le
commandeur de la cité avait un rôle important, car répondait à un
objectif premier de la création de l'ordre : protéger les pèlerins.
C'était également lui qui possédait l'immense privilège
d'escorter la Vraie Croix, la relique sacré où le Christ fut
crucifié, et de veiller sur elle, jour et nuit, lors des différentes
campagnes. Cinq articles traitent de ce rôle (120-124).
Les
commandeurs des provinces, ou le commandeur des commanderies avaient
un rôle similaire, qui était la charge d'une commanderie, en
Europe, comme en province, en Orient. Ces derniers avaient un rôle
de précepteur, dirigeant ainsi la maison où vivaient les frères
entre eux. De plus, ils avaient la charge de l'entretien et des
réparations. Certains reçoivent des missions particulières,
d'inspection la plupart du temps, que l'on surnomme « visiteurs ».
L'article 125 à 137 décrit leur rôle dans la Règle.
Tableau
des possessions de chaque rang dans l'ordre :
Statut dans l'ordre
|
Possessions et hommes à
leur service
|
Maître
|
|
Sénéchal
|
|
Maréchal
|
|
Commandeur du
Royaume
|
|
Commandeur de la
cité
|
|
Commandeur des
provinces
|
|
Commandeur des
commanderies
|
|
Chevalier et
sergent
|
|
Total
|
|
1 Ce
sont des approximations, pour chaque statut à l’unité.
2 Cavaliers
archers montés sur des chevaux arabes, habillé à la turque
Comme
nous pouvons le constater, l'ordre possédait une richesse assez
forte pour se permettre d'offrir à chaque nouvelle recrue ce genre
d'offre. Certes, chaque rang doit posséder ses « outils », mais il
faut tout de même avouer que c'était des dons généreux. 3 à 4
chevaux pour chaque nouveau chevalier dans l'ordre, nous imaginons
rapidement la multiplication des écuries dans les domaines
templiers. Toutefois, ne prenons ces chiffres que pour des
approximations, où il est important de nuancer selon les époques et
les événements.
Maintenant
que nous connaissons mieux l'organisation de l'ordre, et le
fonctionnement de chaque personnalité, nous pouvons partir en
guerre. Rassurons nos amis lecteurs, qui ne devront pas prendre les
armes à la prochaine chronique, nous étudierons juste le
fonctionnement de l'armée, le rôle des chevaliers lors des guerres
et des différentes batailles.
Au
départ, l'ordre fut créé dans le but de protéger avant tout les
pèlerins qui souhaitaient se recueillir sur les reliques du Christ.
Ainsi, les soldats de cette militae
christi se
chargeait surtout de vandales et autres brigands. Cependant, la
politique changeante en Orient obligea les templiers, mais pas
seulement (Hospitaliers, Saint-Jean d'Acre etc..), à intervenir
directement dans des conflits beaucoup plus grand, à participer à
des batailles qui déterminaient l'avenir du Royaume de Jérusalem. À
la différence des armées venues d'Occident, l'armée des Templiers
furent très efficaces, étant donné qu'ils s'entraînaient
directement en Orient. Habitués au terrain et aux tactiques
ennemies, les Templiers furent une véritable menace pour les armées
musulmanes. De plus, ces chevaliers étaient inébranlables, prêts à
se sacrifier pour défendre les reliques de Dieu. Dès lors, il est
impossible de repousser une telle armée par un effet de terreur. La
mort ou la victoire.
Dans
la Règle de l'ordre, une longue partie est consacrée à la vie
militaire et les actions autorisés à faire sur les routes lors des
déplacements en terrain hostiles. La Règle n'était cependant pas
si dure envers ses chevaliers. En effet, elle préconisait avant tout
la sûreté et le bien-être des Templiers. Par exemple, elle
déconseillait d'aller contre le vent, au risque d'avoir du sable qui
les gênerait et les déstabiliserait. Autre point important, la
Règle interdisait les frères à se séparer, même pour un acte
anodin comme abreuver sa monture. Le groupe devait être toujours
ensemble, afin d'éviter de possibles embuscades, et surtout, garder
ce lien de groupe si cher au Templiers.
Les
musulmans, assoiffés de revanche depuis la 1ère croisade, n'ont
cessé d'attaquer régulièrement le Royaume et les pèlerins. Si au
début, il ne s'agissait que des raids à petit groupe, peu à peu,
la situation changea et de véritables armées attaquèrent. Les
Templiers, experts du terrain et des armes, furent alors une élite
d'armée professionnelle qui en plus de défendre la Terre Sainte,
étaient des entraîneurs très pédagogiques ! Ceci dit, ils
n'étaient pas les seuls à avoir ce rôle, puisque une certaine «
concurrence » existait avec les Hospitaliers, avec qui les relations
ne furent pas toujours excellentes.
Au
début, les tactiques utilisées étaient celles qu'on avait
l'habitude d'employer en Europe, c'est-à-dire les chevaliers
regroupés en lance, bannière ou bataille, sur leurs destriers
chargeait successivement, par vagues. Cette tactique fonctionne en
Europe, sur des terrains plats pour des énormes champs de batailles.
De plus, la présence d'eaux est indispensable pour abreuver les
nombreuses montures régulièrement lourdement équipés. Cependant,
au Moyen-Orient, c'est tout à fait l'inverse. Les terrains sont
accidentés, l'eau se fait très rare, ce qui fait que les cavaliers
s'épuisèrent très vite, tout comme les destriers. La Règle met en
avant l'attention que les chevaliers doivent porter à leur monture.
En effet, les chevaux assez puissants et forts pour supporter le
matériel étaient introuvables en Orient, et ces derniers étaient
alors amenés par navire depuis l'Europe. Même si l'ordre n'avait
pas de problème d'argents, cela revenait très cher.
En
face, les Musulmans avaient comme tactique d'attaquer avec des petits
chevaux légers, où leurs cavaliers étaient munis d'arcs qui
harcelaient l'adversaire de flèches. L'ordre prit en compte leur
stratégie pour y créer leur propre infanterie légère. Des soldats
légers munis d'arcs et d'arbalètes voire même de piques avaient
pour but de protéger les cavaliers, qui apparaissait après pour
mener l'attaque décisive. À coté de ça, il fut crée les
turcopoles, des cavaliers montant des chevaux arabes également armés
d'arc afin de mener des combats à la tactique proche de l'armée
musulmanes.
Avant
de se lancer dans la bataille, les soldats devaient se préparer à
combattre. Les chevaliers avec l'aide de leurs écuyers préparaient
leur heaume, prenaient leur grand bouclier et leur lance. Lorsqu'il
était présent, le maréchal avait le privilège de porter le
gonfanon bauceant (ou baussant). C'est un étendard de guerre réservé
à l'ordre des Templiers. Ce dernier était « d'argent au chef de
sable » c'est-à-dire noir, couleur de la force, et blanc, couleur
de la pureté. A partir de 1145, suite au concile, la croix rouge fit
son apparition au dessus du tout (image ci-contre).
Autour
du maréchal, dix frères l'entourèrent pour protéger ce précieux
étendard. En effet, lors des batailles, le gonfanon était le seul
point de repère, le signe de ralliement. Celui qui le portait ne
devait jamais le baisser ou le perdre, au risque de sévères
sanctions : le frère en question pouvait perdre l'habit,
c'est-à-dire être exclu de l'ordre, voire même mis aux fers. La
Règle est clair : «
si le gonfanon se baisse, ceux qui sont au loin ne savent pas
pourquoi il s'abaisse, si c'est volontaire ou non. Et les hommes qui
ne voient plus le gonfanon sont désemparés ce qui peut entraîner
une grande déconfiture. » C'est
pourquoi, un homme de secours est toujours prévu pour porter le
gonfanon, au cas où il arriverait un accident au premier.
Lors
des batailles, les Templiers se battaient jusqu'à la victoire ou la
mort. Ils leur étaient interdis d'abandonner, sinon ils étaient
exclus de l'ordre. La Règle est strict à ce sujet, et même blessé,
le chevalier doit toujours combattre à une exception : sauver un
chrétien. D'autre part, si un Templier se faisait prendre, et
capturer par les musulmans, il ne devait pas espérer être sauvé
par une rançon. En aucun cas l'ordre ne paya de rançon pour sauver
des hommes, qu'il considérait perdu sur le champ de bataille, mais
victorieux dans la foi, car ces derniers mourraient pour Dieu, et par
ce biais, aller au Paradis. Grâce à cette seconde armure de foi,
les Templiers semblaient invincibles. Les musulmans tentèrent
parfois de reconvertir les prisonniers, ce qui serait une insulte
suprême envers l'ordre, mais pour une grande majorité, les
Templiers gardèrent la foi jusqu'au bout.
Le
Krak des chevaliers est la plus célèbre forteresse qu'on retrouve
au Moyen-Orient. Aujourd'hui encore, elle siège fièrement en Syrie
actuel. Pourtant, contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce
n'était pas les Templiers qui y siégeaient mais des Hospitaliers !
Le Krak des chevaliers représente le rêve des occidentaux qui
projetaient mettre la main sur l'Orient et de mettre la main sur ces
terres lointaines, berceau de la chrétienté. Un rêve, qui n'était
qu'un miracle et qui disparut comme un mirage. Accroché au flanc
d'une montagne, aux pentes raides, le Krak des chevaliers contrôlait
la trouée d'Homs, qui est un passage stratégique entre la
méditerranée et la vallée de l'Oronte.
Auparavant
existait déjà une forteresse musulmane qui fut prise en 1099 durant
la première croisade par Raymond de Saint-Gilles, le futur comte de
Tripoli. Le nouveau maître des lieux entreprit de renforcer la place
avant de la céder aux Hospitaliers en 1142. Après plusieurs mois de
constructions au milieu du XIIème siècle, ils réalisèrent
l'ensemble merveilleux toujours observable aujourd'hui et reconnu par
le patrimoine mondiale de l'UNESCO comme chef-d'œuvre d'architecture
médiévale.
Ainsi,
nous avons vu aujourd'hui comment se déroulait rapidement
l'organisation de l'ordre lors des batailles et des guerres. Nous
avons vu également le rôle important du gonfanon baussant, et
l'exemple le plus célèbre des forteresses : le Krak des chevaliers.
Cependant, ne pensons pas que la vie des chevaliers se contentait à
la guerre ! Ces moines-soldats étaient aussi des moines qui vivaient
dans une commanderie, proche des monastères d'occident. C'est une
image peu connu des Templiers, qui étaient aussi des saints hommes
Les
Templiers en temps de paix suivent une vie pieuse, où les heures de
la journée sont encadrées par les prières. Chaque frère savait
exactement à quel moment se réunir tous ensemble grâce à la
cloche qui sonnait régulièrement, invitant à la prière. Les
premières prières commençaient très tôt, deux heures avant
l'aube. Cela obligeait les moines alors à se lever au milieu de la
nuit pour prier. Exception faite pour ceux qui ont travaillé le
jour, ou ceux qui sont malades, ceux-là peuvent rester coucher.
Chaque frère devait se réunir, muni de leur manteau et chaussure à
la chapelle pour prier les mâtines.
Après
avoir récité débout treize patenôtres de Notre-Dame (treize pour
rappeler les 12 apôtres et le Christ), et treize autres prières
pour le saint du jour, les Templiers pouvaient ensuite regagner leur
lit. Si certains se rendormaient, le temps de sommeil fut bien court
car la cloche sonnait peu de temps après pour une nouvelle séance
de prière, à l'heure de prime, l'office qui correspond à la
première heure du jour.
Après
la messe, le reste de la journée était divisée en « petites
heures », avec des temps de prières plus courtes afin d'éviter de
trop déranger les activités de tous. On retrouve les tierces, les
sextes, les nones etc. Les frères devaient se tenir «
humblement et honnêtement » comme le rappelait la Règle.
Les
vêpres marquaient la fin de l'après-midi, et le début de la
soirée. Tous le monde devait se réunir pour cette importante
prière. Cependant, la Règle prévoyait déjà des exceptions. Les
frères qui pouvaient se permettre d'être absent étaient «
le frère du four, s'il a les mains dans la pâte, le frère-forgeron
s'il a du fer rougi au feu et le frère maréchal-ferrant s'il est
train de ferrer le pied d'un cheval ». En
somme, les frères qui étaient en train d'exercer une activité,
afin d'éviter que ces derniers abandonnent leurs activités, et
qu'il y a de la perte. En effet, s'ils arrêtaient, l'ordre perdait
du pain, ou du métal qui deviendrait alors inutilisable.
Le
repas terminé, les frères se rendaient une dernière fois à la
chapelle. L'office terminée, chacun devait à présent garder le
silence jusqu'au lendemain matin. Les Templiers retournaient dans
leur cellule dormir jusqu'au matin, afin de recommencer un nouveau
cycle de prière.
Lorsque
l'heure du repas sonnait, tous les Templiers se retrouvèrent
ensemble à la même table, qui était recouverte généralement
d'une nappe blanche. Au centre se trouvait le commandeur, avec à ses
cotés le chapelain. Avant de manger, tous devaient réciter le
bénédicité, prière commune que la majorité de la population fit.
Durant
le repas, un des frères était chargé de lire les pages de la
Bible. La Règle déconseillait alors de parler mais ne l'interdisait
pas. Il était en revanche interdit que quitter la table sans
ordre, sauf en cas de saignement de nez, d'incendie ou d'alerte. Une
légende raconte que les Templiers mangèrent dans une écuelle pour
deux. Il faut y voir ici avant une image du partage plutôt que la
réalité historique. En effet, les archives démontrent que les
Templiers étaient priés d'avoir sa propre écuelle.
Ces
moines-chevaliers passaient beaucoup de temps à la prière, qui leur
permettait de soigner leur corps spirituelle, leur âme. Cependant,
ils étaient aussi chevalier, et devaient se tenir en grande forme
lors des batailles. Ainsi, les repas étaient bien plus riches que
les repas traditionnels dans les monastères. La viande était servie
trois fois par semaine. Ils recevaient également deux plats
différents le dimanche, en l'honneur de la résurrection du Christ
(seulement pour les chevaliers et les chapelains. Écuyers et
sergents devaient se contenter d'un plat !). La viande était
également servie lors des fêtes religieuses telles que Noël, la
Toussaint etc. Les autres jours, les frères avaient le choix entre
deux et trois plats de soupe ou de légumes.
En
ce qui concerne les breuvages, la boisson la plus courante était le
vin, partagé équitablement entre tous. Il ne faut pas être surpris
car, le vin était la boisson que tout le monde buvait à table. En
effet, l'eau, à l'époque, n'était pas pure, et contenait beaucoup
de maladie. Le vin était ainsi moins dangereux, à condition de ne
pas en abuser ! Même si le vin de l'époque est un vin moins
alcoolisé, l'abus de ce dernier peut rendre ivre. Le vendredi,
jour de la mort du Christ, les Templiers devait se contenter de
poisson ou de volaille. Les jours de jeûne étaient moins sévères
que dans les autres ordres, pour la simple et bonne raison qu'il ne
fallait pas affaiblir l'armée ! C'est pourquoi lors des jours de
jeûnes, les frères devaient tous se contenter d'un repas au lieu de
deux.
Les
Templiers ne pouvaient quitter la table que lorsque le commandeur ou
le chapelain l'autorisait. Ainsi, après avoir rendu grâce à Dieu,
chacun retournait à ses occupations. Les restes n'étaient pas
jetés, mais redistribués aux pauvres. Les Templiers étaient un
ordre riche, mais ne gaspiller pas pour autant leur argent.
En
ce qui concerne les interdictions, la Règle se montre assez clair
: «
il ne convient pas à des religieux de se procurer des plaisirs
». Ils
devaient s'habiller simplement, sans transparaître l'orgueil ou la
luxure. Les chevaliers ne participaient à aucun tournoi, ni jouer à
des jeux d'échecs, ou de dés. La chasse était également interdite
à une exception faite : la chasse au lion, présent à l'époque
dans le Moyen-Orient, réputé comme un animal dangereux qui peut
s'en prendre aux pèlerins. Ainsi, en chassant le lion, ils
protégeaient les pèlerins, et respectaient leur but.
En
ce qui concerne les femmes, la Règle est encore une fois claire : «
La compagnie des femmes est chose dangereuse. Nombreux sont ceux que,
par la fréquentation des femmes, le diable a rejeté du droit
sentier du paradis. Qu'aucun d'entre vous ne s'égare à embrasser
une femme, une veuve, une pucelle, ni sa mère, ni sa sœur, ni sa
tante, ni une autre femme ! ». Cette
interdiction était la même qu'avait les moines classiques, afin de
garder l'esprit pur et pieux. Cependant, nous pouvons douter que
certains Templiers se laissèrent séduire par l'attirance des
femmes. Si certains étaient très pieux, les plus jeunes devaient
l'être un peu moins...
Nous
avons donc vu comment fonctionner en partie la vie religieuse en
temps de paix chez les Templiers. Nous avons vu en quelque sorte
l'agenda des prières, qui encadrait la journée, puis nous avons vu
en quoi consistait les repas, ainsi que les interdictions. Cependant,
tous les Templiers n'étaient pas de saint homme, respectant toujours
à la lettre la Règle.
Dans
les maisons de l'ordre de quelques importances, c'est-à-dire les
maisons ayant plus de quatre frères, le commandeur réunissait le
chapitre tous les dimanches. Ce conseil n'avait pas pour but premier
de juger, ni de sanctionner, mais servait avant tout à examiner les
problèmes et les demandes des autres frères. Cependant, ce conseil
pouvait se transformer rapidement en conseil de discipline si besoin
était. Les frères, à leur entrée dans le chapitre devaient
d'abord réciter une patenôtre avant de s'asseoir. Cette réunion
restait secrète et se tenait à huit clos. En effet, la Règle
spécifiait elle-même que toutes les histoires et autres rumeurs
devaient rester secrètes au sein même de l'ordre, et ne doivent
jamais parvenir à des oreilles non-Templières...
Le
commandeur faisait un court sermon avant de demander à ceux qui
avait péchés de s'avancer. Si un frère souhaitait avouer sa faute,
il devait s'avancer, tout en se tenant humblement, et commençait son
récit ainsi : « Beau
sire, je demande pardon à Dieu et à Notre-Dame et à vous et à
tous les frères de ce que j'ai fauté...». Durant
tout le récit, un dialogue était autorisé dans un échange de
questions/réponses entre le commandeur et le pécheur. Une fois
terminé, ce dernier devait sortir afin que le chapitre puisse
délibérer durant son absence. Il n'est rappelé alors que pour
entendre sa sanction, plus ou moins légère selon la faute commise.
La
Règle demandait aussi une chose assez étonnante. En effet, elle
encourageait les templiers à dénoncer leurs frères qui auraient
alors péchés si ces derniers n'avouèrent pas. Les frères qui
commettaient un crime, même une peccadille, devaient être punis.
C'était la Règle. Cependant, gare à ceux qui dénonçaient sans
preuve ! La Règle encourageait à être sage, ne pas prendre en
compte les rumeurs et les calomnies qu'ils pouvaient entendre, se
référer à des hommes plus sages (et donc plus âgés), et dénoncer
seulement le templier après mûrs réflexions.
L'ordre
du Temple ne plaisantait pas en matière de sanction. Les plus graves
entraînaient la perte de la maison, c'est-à-dire une exclusion de
l'ordre. Lorsque le conseil avait tranché, l'accusé devait se
présentait dépouillé de ses vêtements, nu, une corde au cou, à
genoux devant le commandeur qui dictait la terrible sentence. Il
devait partir sur le champ, en n'emportant aucune arme, aucun élément
de son équipement, et surtout pas son manteau blanc, qui aurait été
une insulte pour un pêcheur de porter un manteau qui représente la
pureté. Cette sanction s'appliquait dans des cas très précis, que
la Règle définissait.
Par
exemple, si un frère avait soudoyé un autre frère, par moyen
d'argent ou de promesses, crime qualifié de simonie, ce frère était
sanctionné de la perte de la maison. C'était la même sanction pour
un frère qui avait tué un autre chrétien. Nous avons retrouvé des
écrits qui rapportent le cas de trois Templiers d'Antioche qui
auraient été responsables de la mort de plusieurs marchands
chrétiens. Ils furent sanctionnés fortement car, après la perte de
la maison, ils furent fouettés dans les rues d'Antioche, de Tyr, de
Sidon et d'Acre, avant d'être jetés dans la prison de
Château-Pèlerin, où ils finirent leurs jours.
Dans
un autre ordre d'idée, la perte de la maison se faisait également
pour les Templiers qui avaient révélés tous les secrets de
l'ordre, ceux coupable de sodomie, ou encore les hérétiques et ceux
qui reniait le Christ, pour sauver leur vie. L'histoire d'un certain
Roger l'allemand qui s'était fait capturé par les musulmans nous
est revenu. Il est dit que les musulmans lui demandèrent de « lever
le doigt et crier la loi ».
Roger avait beau expliqué qu'il n'avait pas compris la signification
de ce geste, il fut sanctionné de la perte de la maison. La Règle
était également très claire en ce qui concernait les « larcins »
des frères sur le Temple. À la fin des combats, si les Templiers
découvrirent de l'or ou tout autre objet qui allait à l'encontre du
vœu de pauvreté, il ne serait plus enterré dans le cimetière,
mais jeté dans la rue au chien, et s'il y était déjà enterré, il
devait être déterré sur le champ.
La
perte de la maison était une sanction définitive selon la Règle,
mais pourtant, quelques articles laissent penser à une possible
réintégration exceptionnelle de certain frère, si celui-ci était
connu pour ses actes passés de bienveillance. La perte de l'habit
était une sanction moins sévère que la perte de la maison, mais
était une sanction très dure. Cette sanction était suivie
généralement de la mise au fer pour un temps déterminé selon le
choix des frères allant d'une journée à un an.
Cette
sanction était appliquée par exemple à ceux qui refusaient d'obéir
aux ordres du commandeur. Également, était puni tous frères qui
frappaient un de ses camarades, ou battaient un chrétien. Dans une
autre idée, la mort d'un esclave, la perte d'un cheval ou les
relations avec une femme étaient punies par la perte de l'habit. La
durée de la perte de l'habit était assez modulable, pouvant punir
avec souplesse bon nombre de situations plus ou moins graves
(mensonges, accusations sans fondement, attaque de l'ennemi sans
autorisation). Généralement, quelques jours suffisaient à remettre
le fautif dans le droit chemin. Les chevaliers, sans manteau ni
armes, purgeaient leur peine dans les hospices, sous la surveillance
de l'aumônier. Ils devaient prendre leur repas par terre, et jeûner
au moins 3 jours avec du pain et de l'eau, et ne devait ni rire ni
plaisanter. Ils devaient bien sur suivre les heures de prières, mais
sans se rendre à la chapelle avec ses autres frères. En outre, ils
étaient chargés des tâches ménagères les plus ingrates comme
laver les écuelles, peler les oignons, mener l'âne, faire le feu
etc. Le dimanche, ils devaient se présenter devant tous les frères
après l'évangile, pour recevoir la discipline donnée par le
chapelain. En cas d'alerte, la pénitence était suspendue et le
chevalier pouvait reprendre ses armes et son cheval pour combattre.
Ainsi,
nous avons vu qu'il existait un chapitre hebdomadaire qui avait pour
objectif de régler les problèmes internes de l'ordre, mais aussi de
sanctionner si besoin les frères pécheurs. Les deux plus graves
sanctions étaient la perte de la maison et la perte de l'habit. Ces
dernières étaient rendues suite à des crimes plus ou moins graves,
s'adaptant à la situation. Les Templiers devaient suivre la Règle,
pour leur bien-être ! Cependant, malgré les sanctions, les écarts
de certains frères étaient encore bien présents.
Si
du point de vue religieux, le royaume de Jérusalem était une
nécessité. Du point de vue politique, c'était un royaume très mal
placé. En effet, ce petit royaume qui ne possède que de quelques
comtés se retrouve entre d'immenses puissances musulmanes, aussi
bien shiites que sunnites. Les plus simples émirats rivalisaient
avec le petit royaume latin chrétien. Hormis le souhait de vengeance
et le désir de reconquérir les territoires perdus, les musulmans
considèrent également Jérusalem comme une ville religieuse. C'est
pourquoi les conflits sont d'ordre à la fois politique, mais aussi
religieux.
Ainsi,
en hiver 1144, Imad ed-Din Zengi dit le Sanguinaire commença les
hostilités envers le royaume en s'attaquant à la ville fortifié
d'Edesse. En 1 mois de siège, la ville tomba aux mains de ce nouvel
adversaire. Ce fut un véritable choc pour l'occident au point même
d'animer suffisamment les foules pour crier à la deuxième croisade
en 1146. Contrairement à la première, la deuxième croisade
présenta de meilleures atouts : des Rois croisés comme Louis
VII de France, une armée de Templiers (130 sous les ordres d'Evrard
des Barres) expérimentée après avoir combattu les Maures en
Espagne.
Ces
croisés traversèrent le Bosphore en octobre 1147, pour traverser
ensuite les montagnes d'Asie mineure. La traversée fut longue et
dangereuse, entre chemins sinueux et les turcs qui occupaient la
région. Devant une hauteur nommée « la montagne exécrable »
par le chapelain de Louis VII, le roi ordonna d'attendre que les
troupes se rassemblent avant de traverser. Un seigneur, n'y voyant
aucun danger, nia les ordres et entama la montée. Lorsque le roi
arriva le soir, dans la pénombre, il fut accueilli par une armée de
Turc qui provoqua la panique au sein de l'armée française. Le roi
lui-même fut menacé. Heureusement, la présence des Templiers,
ayant gardé leur sang-froid, repoussèrent l'attaque. Pour les
remercier, le roi Louis VII leur donna le commandement de toutes les
armées. Cependant, cela n'a guère suffit, et la deuxième croisade
se solda par un échec.
En
janvier 1153, toutes les machines de guerre disponibles bombardaient
la ville. Les chrétiens avait même construit des remparts en bois
ainsi qu'une gigantesque tour où archers et arbalétriers pouvaient
éliminer les archers adverses depuis leur hauteur. Les défenseurs
d'Ascalon, pour éliminer cette muraille de bois, jetèrent des
morceaux de bois, des fagots, des branches en dehors de leur muraille
en pierre. Le 16 août, après avoir jeté de l'huile dessus, ils y
mirent le feu, espérant alors que le feu atteindrait les murailles
adverses. Cependant, le vent changea soudain de direction, repoussant
les courants d'air vers les murailles d'Ascalon. Les pierres chauffés
finirent par céder, et une brèche apparue. Bernard de Trémelay, le
maitre du Temple lança une attaque avec une quarantaine de ses
chevaliers à l'intérieur. Hélas, la chance ne tourna pas deux
fois. Les assiégés colmatèrent la brèche et tous les templiers
furent exterminés et leurs cadavres suspendues sur les murailles de
la ville. Cette attaque fut plusieurs fois reprises dans des
chroniques, critiqués par l'Evêque de Tyr, ou alors applaudis par
Jacques de Vitry. Ascalon fut prise le 22 aout 1153, ce qui libéra
la route des chrétiens vers l'Egypte, ainsi que de l'oppression
sarrasine dans la région.
Saladin
apparait dans la seconde moitié du XIIème siècle. Devenu maître
de l'Egypte en 1169, il succède à Nur al-Din à Damas en 1174. Il
contrôla la Syrie, entourant ainsi dangereusement les États Latins.
Son objectif était de réunir le monde musulman en un seul sultanat,
qui jusqu'à alors était divisé en une multitude d'émirat plus ou
moins puissant. À Jérusalem, le nouveau roi de Jérusalem Baudouin
IV n'a que 14 ans mais règne déjà. Malheureusement, il est atteint
de la lèpre. Pourtant, son prestige est assez grand.
Peu
à peu, ce fut la fin. La Vraie-Croix tomba aux mains des musulmans,
tous les Templiers et Hospitaliers furent exécuté sauf le maitre du
temple. Quel raison ? Avait-il renié sa religion ? Accord
secret ? Nul ne le sait. Suite à ça, Saladin chargea. Le
10 juillet, Acre tomba, puis Jaffa, puis Beyrouth, Ascalon et le 20
juillet, Jérusalem même ! Seul la ville d'Acre, reprise le 12
juillet 1191, survécu, et résista pendant 1 siècle, devenu le
dernier état latin d'Orient.
Même
si Jérusalem n'appartenait plus à l'Occident, le Royaume de
Jérusalem existait encore, ou du moins, le titre. Le Royaume de
Jérusalem appartenait à Jean
de Brienne,
qui était également le Roi de Sicile. En 1223, sa fille Isabelle
de Brienne épousa Frédéric
II,
le Kaiser de l'Empire germanique. Malheureusement pour elle,
Isabelle mourut
en mettant au monde son fils Conrad. Frédéric
II décida
alors de proclamer son fils comme étant le roi de Jérusalem, sans
se préoccuper de son beau-père.
Malgré
son excommunication dû à des conflits forts avec le Pape, Frédéric
II prit
la route vers l'Orient, mais, choisit d'affronter son adversaire sur
la voie de la diplomatie plutôt que celle des armes. En février
1229,Frédéric
II rencontra
le sultan d'Égypte Al-Kamil,
avec qui il signa un traité à Jaffa. Le traité stipulait que les
Chrétiens récupèraient les villes de Bethléem, de Nazareth, et de
Jérusalem… Cependant, les lieux saints restaient musulmans,
notamment le Saint-Sépulcre. Par conséquent, nous ne pouvons pas
parler de véritable victoire. Bien que les récupérations des
terres soient très intéressantes, ne pas avoir la possession du
Saint-Sépulcre, c'est-à-dire le sanctuaire de Jérusalem, celle qui
fait toute la force de la cité, ne règle pas le problème
d'origine. En réalité, Frédéric
II voulait
des terres pour son fils, sans forcément chercher à respecter les
vœux de la chrétienté. Au sujet du roi, le pape le jugea
rapidement de « traître
et mécréant »,
ce qui suscita une hostilité grandissante, notamment chez les
Templiers qui quittèrent la Terre Sainte.
En
février 1250, de nombreux combats eurent lieux autour de Mansourah,
où les Occidentaux furent vainqueurs, mais avec beaucoup de pertes
(200 Templiers perdirent la vie au combat). Saint
Louis décida
de retourner à Damiette, afin de récupérer et de soigner les
blessés et les fiévreux. Mais le 7 avril, l'armée tomba aux mains
des Musulmans. Durant le combat, le maître du Temple, Guillaume
de Sonnac,
fut mortellement blessé et le roi de France est capturé. Une énorme
rançon est alors demandée. Sire
de Joinville,
le conseiller du roi, se tourna vers les Templiers pour réunir la
somme, mais ces derniers prétextèrent que les caisses ne leur
appartenaient pas et qu'ils ne pouvaient pas payer. Après plusieurs
accords, un compromis fut trouvé. Le maréchal du Temple, Renaud
de Vichiers suggéra
à Joinville de
s'emparer des coffres par la force, les Templiers n'opposant qu'une
faible résistance. Après avoir dépouillé l'ordre de quelques
trésors, Louis
IX fut
libéré, et continua son périple, retournant à Acre...
Tout
allait bien, jusqu'au jour où le roi apprit que les Templiers avait
négocié sans son autorisation avec le sultan de Damas à propos de
propriétés sur des terres. Énervé, Louis
IX les
convoqua pieds nus devant son armée et une foule de curieux. Après
avoir ordonné aux Templiers de s'agenouiller, il demanda au maître
du temple, Renaud
de Vichiers de
lui faire amende honorable. De plus, il n'exigea que le maréchal de
l'ordre, qui avait traité directement avec les Musulmans, soit
chassé de la terre Sainte. Il faut comprendre par son acte que le
roi voulait montrer que c'était lui qui détenait l'autorité, et
que les Templiers devaient lui obéir. Mais, par son acte, il abaissa
le prestige et la légitimité du pouvoir des Templiers, même s'il
était déjà faible.
En
avril 1254, Louis
IX retourna
en France qu'il avait quitté depuis plus de 6 ans. Après son
départ, les Musulmans attaquèrent et les places fortes tombèrent
les unes après les autres. Les Templiers abandonnèrent en 1266
Saphet, et en 1268, Beaufort. Les Hospitaliers abandonnèrent le Krak
des Chevaliers, pourtant réputé imprenable ! Le pape appela
alors à une nouvelle croisade, à laquelle Louis
IXrépondit
présent. Cependant, celle-ci eut un destin tragique puisqu'en 1270,
devant les portes de Tunis, le roi de France mourut.
En
avril 1291, le sultan Malek
Al-Ashraf arriva
aux portes d'Acre, accompagné de 150 000 fantassins, et de 80 000
cavaliers, et 4 catapultes. Ainsi, débuta le siège... Le 18 mai,
les Musulmans lancèrent l'assaut, avec un avantage du nombre
indéniable (10 contre 1). Pendant le combat, le maître Guillaume
de Beaujeu,
reçut une flèche enflammée qui le blessa mortellement. C'était le
21ème maître et le 13ème à mourir au combat ! Les Sarrasins
envahirent la ville, où la population se réfugia au Temple. Ce
dernier tenu encore 10 jours. Après quoi, Pierre
de Sévry négocia
la reddition, mais le sultan lui tendit un piège. Prétextant
négocier, il le décapita dès qu'il sortit du Temple. Le 28 mai
1291, les Musulmans entrèrent dans le Temple en ruine qui s'effondra
sur eux-mêmes. Une vengeance d'outre tombe ? Après cette défaite,
les dernières forteresses abandonnèrent, et les résidents
connurent des fins plus ou moins heureuses (à Beyrouth, croyant la
bonne foi des Sarrasins, les Templiers furent tous pendus). La Terre
Sainte était perdue...
Le
premier reproche fait à l'encontre du Temple était leur richesse.
En effet, dans ce domaine là, les Templiers avaient bien géré leur
finance, et s'étaient beaucoup enrichis, ce qui constituait un des
premiers paradoxes. Les Templiers, faisant vœu de chasteté, étaient
riches... Peu à peu, les expressions apparaissent et formaient une
sorte de critique envers les Templiers : « Boire
comme un Templier »,
« Jurer
comme un Templier »
ou encore « Aller
au Temple »
pour dire d'aller au bordel !
Un
certain Esquieu
de Floyran prétendait
avoir recueilli des aveux d'un Templier, qui dénonçait l'ordre. Ce
personnage s'adressa d'abord au roi d'Aragon, Jacques
II.
Sans doute, il ne crut pas ces accusations, tout comme les
conseillers de Philippe
IV le Bel,
mais ce dernier comprit qu'il pouvait y gagner. En effet, il pourrait
de cette manière détruire l'ordre qui devenait une menace puissante
pour la royauté. Surtout que les Templiers contrôlaient le trésor
royal... Philippe
IV le Bel n'était
pas idiot, et avait déjà joué le rôle de l'avocat du diable en
s'attaquant au pape Boniface
VIII,
qui depuis entretient des relations tendues.
Les
interrogatoires commencèrent très tôt, durant lesquelles
l'Inquisition joua un rôle dominant. Après quelques heures de
torture, beaucoup avouèrent, dont à la grande surprise de tous le
maître lui-même,Jacques
de Molay.
Mais, faut-il y voir la vérité ? Comment un homme âgé, après des
journées de torture, avec tout son ordre arrêté, ne pouvait-il que
dire ce qu'attendaient ses bourreaux ? Celui-ci avoua renier le
Christ 40 ans avant, mais réfuta tout acte charnel. Peu à peu, la
nouvelle fit le tour, et le reste de l'ordre perdit espoir, avouant
leurs prétendus crimes (à Paris, sur les 138 interrogés, 134
avouèrent !). Mis devant le fait accompli, Clément
V,
le nouveau pape voyait son autorité contesté. Le 22 novembre 1307,
le pape lui-même ordonna leur arrestation. La nouvelle fut
accueillie plus ou moins bien par la chrétienté. Les rois de
Navarre, d'Aragon et de Naples obéirent par exemple. Mais d'autre,
comme les rois de Castille et d'Angleterre se montrèrent plus
réticents. Il fallut une mise en garde du pape pour qu'ils
obéissent.
Cependant,
le combat entre le pape et le roi de France se poursuit. Le roi
voulait la destruction de l'ordre complet ! Il envoya à la papauté
des Templiers pour qu'ils avouent leurs fautes. Cependant, Clément
Vréclama
de voir le maître en personne. À contrecœur, Philippe accepta.
Cependant, lors du voyage du transfert, le pape apprit qu'il ne
pouvait pas les voir car les Templiers tombèrent malade ! On peut
douter de cette histoire, dans le sens où le voyage entre Chinon et
Poitiers, lieu de rencontre, ne dépassait guère une journée !
Cette étrange maladie était plutôt une excuse pour empêcher la
rencontre. Ainsi, la rencontre entre Clément
V et
le maître n'eut jamais lieu. Le pape envoya des dignitaires pour
recueillir les aveux de Templiers qui avouèrent de nouveau leurs
fautes.
- DEMURGER Alain, Croisades et Croisés au Moyen-âge, Flammarion, collection Champs, 2006, 410 pages.
- FLORI JEAN, La croix, la tiare et l'épée : la croisade confisquée, Payot & Rivage, Collection Histoire, 2010, 350 pages.
- HUCHET Patrick, Les Templiers de la gloire à la tragédie, Editions OUEST-France, Collection Histoire, 2010, 130 pages.
- BRIAIS Bernard, Les Templiers, France Loisirs, collection Les mémoires du Temps, 2011, 190 pages.
- Source des images : Wikipédia
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